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CIDADES, Comunidades e Territórios

versão On-line ISSN 2182-3030

CIDADES  no.30 Lisboa jun. 2015

https://doi.org/10.7749/citiescommunitiesterritories.jun2015.030.art03 

ARTIGO ORIGINAL

 

La participation citoyenne à l’épreuve du vieillissement territorial. Quatre études de cas de modèles d’intégration des aînés dans le Grand-Est français

A participação dos cidadãos no caso de o envelhecimento territorial. Quatro estudos de caso de modelos de integração de idosos no Grand-Est francês

 

Marion ScheiderI; Thibauld MoulaertII

[I]REIACTIS - Réseau d’étude international sur l’âge, la citoyenneté et l’intégration socio-économique, France. e-mail: marion.scheider@gmail.com.
[II]
REIACTIS - Réseau d’étude international sur l’âge, la citoyenneté et l’intégration socio-économique, France. e-mail: tmoulaert@gmail.com.

 




RÉSUMÉ

Cet article propose d’apporter un éclairage nouveau sur la manière dont les aînés s’inscrivent aujourd’hui dans la redéfinition de leurs territoires de vie en croisant les apports des travaux sur la démocratie participative et sur le vieillissement au prisme des Villes et Communautés amies des aînés. En s’appuyant sur l’analyse de quatre études de cas d’intégration citoyenne des aînés dans le Grand-Est français, il met en résonance les cadres de référence de la participation citoyenne des aînés et leurs applications locales. Pour cela, il commence par replacer le contexte de l’objet d’étude, à savoir la place des aînés dans les débats et prises de décisions publics. Ensuite, il pose quelques balises des débats scientifiques portant sur les principes de démocratie participative et d’une de ses traductions territoriales possible, à savoir la perspective en faveur des Villes et Communautés amies des aînés. Dans une troisième section, le portrait des quatre études de cas est présenté avant que la dernière partie n’expose les premiers résultats d’analyse. Finalement, l’article revient sur les limites de l’étude et ouvre une série de perspectives de recherche.

Mots clés: Participation citoyenne des aînés, territoire, Villes-amies des aînés ; communautés amies des aînés.


 

Introduction: une transition demographique en cours, des territoires a repenser

En 2014, le gouvernement français a décidé d’adopter un projet de loi relatif à « L’adaptation de la société au vieillissement ». Celui-ci entrera en vigueur au cours de l’année 2015, avec pour ambition d’anticiper le vieillissement de la société, d’adapter celle-ci aux besoins de sa population et de tenir compte de l’évolution de ces besoins. Comme d’autres pays, la France souhaite adapter ses institutions et ses pratiques à la transition démographique qui voit la part de la population vieillissante (les personnes âgées de 60 ans et plus) augmenter par rapport au reste de la population. Les projections démographiques indiquent que ces classes d’âges représenteront le tiers de la population française à l’horizon 2060.

Cette loi n’est certes pas la première en France à vouloir apporter une réponse politique et sociétale aux phénomènes liés à l’avancée en âge. Ainsi, en 1962, le rapport Laroque propose une vision nouvelle de la vieillesse et promeut notamment une politique de l’activité en direction du « 3ème âge » et le soutien du « maintien à domicile » (Ennuyer, 2007) ; ce rapport demeure une balise centrale des analyses historiques des politiques publiques de la vieillesse en France (Guillemard, 1986), si bien qu’il devrait être prochainement réédité par une série d’acteurs du champ gérontologique français.[3] Si le rapport Laroque fut le fruit d’un comité d’experts, la démarche de la présente Loi sur « L’adaptation de la société au vieillissement » se distingue en ce qu’elle s’appuie sur un large processus de concertation. En effet, durant deux mois, il a réuni près de 300 acteurs œuvrant dans tous les domaines d’intervention en lien avec le vieillissement (urbanisme, action médico-sociale, transport, etc.) au-delà des acteurs plus traditionnels du domaine gérontologique (fruit du rapport Laroque) ou médical. Cette recherche de transversalité, affichée dès le départ de la « commande » du rapport Broussy via l’appel à la consultation interministérielle et mise en œuvre à travers une méthode de consultation large, peut se rapprocher de l’expérience britannique qui a récemment dépassé l’approche du vieillissement sous le seul angle médical (Ogg, Renaut, Hillcoat-Nallétamby, & Bonvalet, 2010). Sans pour autant prédire la transversalité des mises en œuvre [4], cette méthode rappelle aussi la démarche initiale de consultation des acteurs au Québec qui fut initiée en 2007 par la Ministre alors en charge des aînés. En France, malgré ces consultations larges, le regard médical reste prégnant puisque sur les quatre axes du projet de loi, trois interprètent le vieillissement à l’aune de l’autonomie (l’anticipation de la perte d’autonomie, l’accompagnement de la perte d’autonomie et la réorganisation de la gouvernance des politiques de l’autonomie). Seul un thème présente une perspective véritablement transversale (au-delà d’une priorité à la vision médicalisée du vieillissement), en s’attelant à l’adaptation de la société au vieillissement.

Dans cette approche, la notion de territoire devient ou redevient [5] un enjeu au cœur des débats sociaux et scientifiques (Viriot Durandal, Pihet, Chapon, 2012). Parmi ceux-ci, la rencontre des publics âgés ou de leurs représentants, premiers experts de leur propre vécu, intervient comme un défi majeur pour une redéfinition adaptée des territoires et qui prend au sérieux la « parole des vieux » (Argoud et Puijalon, 1999, 2003). Scientifiquement, ce thème vise à aller au-delà des travaux contrebalançant la vision médicalisée de la société par une prise de distance forgée par les sciences sociales en général et la sociologie en particulier, non seulement parce qu’ils sont suffisamment balisés (voir la récente livraison de Retraite et société sur ce thème : Le Bihan & Mallon (2014)), mais surtout parce qu’ils empêchent de s’ouvrir à de nouveaux domaines de recherche comme l’environmental gerontology (Phillipson, 2004) et ce alors même qu’ils avaient pourtant déjà été identifiés (Caradec, 2010). L’étude des « Villes et Communautés amies des aînés » (VADA ou AFC pour Age Friendly Cities ou Communities), lancée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS, 2007), est ainsi devenue une opportunité internationale autour des réflexions en termes de age-friendliness (Fitzgerald et Caro, 2014; Garon, Paris, Beaulieu, Veil, Laliberté, 2014; Lui, Everingham, Warburton, Cuthill, Bartlett, 2009; Menec, Means, Keating, Parkhurst, Eales, 2011; Phillipson, 2011; Scharlach et Lehning, 2013), tandis qu’en France les travaux restent plus discrets (Paris, Garon, Chapon, Laliberté, Veil, 2013).

1) C’est précisément dans cette voie que souhaite s’inscrire cet article. En effet il vise à contribuer à une connaissance fragmentaire des logiques locales d’intégration citoyenne des aînés en France (Argoud et Chazelle, 2011) en proposant une approche ancrée sur les territoires des modèles institutionnels de participation des aînés et de dispositifs innovants à l’instar de la démarche VADA ou AFC. Il pose la question des déterminants qui influencent, au niveau des territoires, la volonté plus ou moins importante des pouvoirs publics et des professionnels de l’action territoriale de mettre en place des dispositifs de consultation des aînés et d’action en faveur d’une action transversale dans le domaine gérontologique. Pour y répondre, il s’articule autour de trois parties. La première contextualise la participation citoyenne des aînés en France à travers son architecture institutionnelle du pouvoir central (Comité national des retraités et personnes âgées : CNRPA) au niveau local (Conseil des sages), en passant par le niveau départemental (Comité départemental des retraités et personnes âgées : CODERPA). La deuxième pose les balises du débat scientifique en distinguant d’une part les travaux sur la démocratie participative et d’autre part ceux portant sur les méthodes VADA/AFC et leurs applications locales. Les troisième et quatrième sections dressent le portrait de quatre études de cas de modèles d’intégration citoyenne des aînés dans le Grand-Est français et présentent les premiers résultats de nos analyses [6]. Enfin, en conclusion, il présente les limites et les perspectives de ce travail.

 

1. Quand la parole des aînes s’institutionnalise

La « parole des vieux » s’est institutionnalisée sur le territoire national français depuis 1982, à travers le Comité national des retraités et personnes âgées (CNRPA) notamment. Cette instance administrative consultative est placée directement auprès du ministre chargé des personnes âgées et présidée par celui-ci. Rassemblant des décideurs et financeurs, les associations nationales de retraités et des professionnels du milieu gérontologique, sa consultation par le gouvernement est obligatoire depuis 2006 pour l’ensemble des dossiers concernant les personnes âgées. Afin de garantir une remontée des besoins des publics qu’elle représente, ont été créés également en 1982, de véritables déclinaisons locales de cette instance nationale, à savoir les Comités départementaux des retraités et personnes âgées (CODERPA). Les CODERPA prennent la forme d’instances consultatives obligatoires placées depuis 2004 auprès des présidents des Conseils généraux, qui en sont également les présidents. Leur composition et leurs modalités de fonctionnement sont déterminées par délibération des Conseils généraux et sont donc tributaires du niveau d’influence qui leur est donné (ou permis) par ces collectivités locales. Toutefois, malgré leur caractère obligatoire, la souplesse laissée à leurs modalités d’installation et de fonctionnement, engendre des niveaux d’influence et d’action extrêmement variables selon les départements (Viriot Durandal, 2003).

Comme dans d’autres pays, la France a également vu se développer, au niveau local, des dispositifs de type Senior citizen advisory councils (Walker et Naegele, 1999). On pense ici aux Conseils des sages qui sont des instances consultatives composées de citoyens aînés et dont le niveau d’action est municipal. Leur composition est variable, mais regroupe généralement des élus locaux, des retraités et des techniciens ou administratifs des services municipaux. Animés par les services de la ville, leurs membres se répartissent en commissions de travail qui se saisissent de thématiques liées au vieillissement ou non sur lesquelles porteront les réflexions des membres et dans certains cas plus rares, leurs actions (Vincent, 2007).

 

2. Renouveler les analyses de la figure citoyenne des aines

Pour repenser la figure citoyenne des aînés, deux domaines de recherche sont mobilisés ; le premier, essentiellement français, traite de la montée de la démocratie participative depuis les années 1970 ; la seconde, plus internationale, renvoie au développement des « villes et communautés amies des aînés » comme l’expression pratique d’un référentiel international d’action publique, le « vieillissement actif ».

Les principes de la démocratie participative se sont organisés en France dès les années 1970. Si leur apparition repose en premier lieu sur des mobilisations spontanées de citoyens pour la défense de causes sociales et environnementales (Gaudin, 2007), ils se formalisent peu à peu au cours des années suivantes. Ainsi, la décennie 1990 pose les bases d’une « professionnalisation et d’une normalisation de la participation » (Blondiaux, 2008, p.23), à travers l’émergence de spécialistes de la participation qui investissent des rôles de médiateur ou de facilitateur entre les citoyens et les experts dans les scènes de débat public. En outre, le milieu des années 1990 verra naître la Commission nationale du débat public (CNDP), organisme offrant un droit de regard et d’intervention aux représentants de la société civile dans les débats portant sur l’élaboration de grands projets d’aménagement. C’est au cours des années 2000 qu’une consécration des principes de la participation citoyenne aura lieu, à travers la loi Vaillant (2002) relative à la démocratie de proximité. Celle-ci instaure les Conseils de quartier, et les rend obligatoire pour les villes de plus de 80 000 habitants. Dans le même temps, elle dégage la CNDP de tout lien direct avec les autorités administratives, rendant ainsi son indépendance à cette institution.

Un des intérêts de la mobilisation des travaux sur la démocratie participative pour traiter la question de la citoyenneté des aînés est que si les organismes consultatifs qui sont apparus à travers les territoires grâce à la formalisation des principes de démocratie participative sont ouverts à tous les citoyens, il semblerait que les aînés y prennent une place prépondérante. Bien que surreprésentés dans les scènes de débat, ces publics ne se reconnaissent pourtant pas en tant que « personnes âgées », mais davantage en tant que « citoyens », « habitants », ou « usagers » selon Loïc Blondiaux (entretien exploratoire). Il apparait alors opportun de relier cette littérature, qui ne problématise pas la question des publics aînés, avec un autre domaine, celui des « villes et communautés amies des aînés » dont l’un des principes consiste précisément à soutenir la « participation sociale » des aînés.

Il faut d’abord constater qu’à côté de l’institutionnalisation de la « voix des seniors » à différents niveaux de pouvoir, la France n’échappe pas à l’influence des instances internationales. Si Moulaert et Viriot Durandal (2013) ont montré qu’il s’y développait une compréhension du « vieillissement actif » essentiellement en termes de soutien à « l’emploi des seniors » en raison d’un biais de la recherche en sciences sociales et en sociologie en particulier envers cette déclinaison, ils rappellent pourtant qu’ailleurs, comme au Canada, le « vieillissement actif » peut avoir une autre signification, plus transversale. Défendue théoriquement dès la fin des années 1990 en Europe (Walker, 2002), cette version a aussi été développée au même moment par l’OMS (2002). Surtout, en 2007, l’OMS décide de l’appliquer à l’espace urbain (OMS, 2007), puis progressivement à l’ensemble des espaces à travers une méthode en faveur des « villes et communautés amies des aînés » ou VADA. Ce modèle s’appuie sur une démarche structurée, partant d’un diagnostic des besoins des aînés et des ressources à leur disposition, pour développer ensuite, à travers des « plans d’action », des villes véritablement inclusives à l’égard de ces publics. Bien que ce référentiel commun soit largement véhiculé, notamment par le Réseau mondial OMS des villes et communautés amies des aînés, les déclinaisons locales restent extrêmement variées. L’intérêt du modèle est qu’il ne se limite donc pas à enregistrer ou légitimer la « parole des vieux », mais qu’il l’articule à une démarche de transformation du territoire (physique et sociale) à travers la négociation et la promotion de plans d’actions, supervisés par un « comité d’accompagnement » incluant des aînés, et évoluant en fonction d’une démarche d’évaluation continue (Garon et al., 2014).

Bref, si la législation et les cadres de référence comme VADA portant la participation citoyenne des aînés semblent être nécessaires afin d’en assurer sa promotion sur les territoires, au vu des échos multiples qu’elle rencontre localement, il semble opportun de l’étudier en pratique. En effet, une question majeure émerge : quels déterminants entrent en jeu, au plus près des territoires, et conduisent à une volonté plus ou moins importante de la part des pouvoirs publics, des professionnels, voire également des aînés eux-mêmes, à porter leurs besoins dans les consultations et débats liés à l’évolution des milieux de vie ?

Face à cette question, apparait une hypothèse de recherche, hypothèse sur laquelle repose la méthodologie d’enquête mise en œuvre dans le cadre du PEIV. Selon nous, il existerait des disparités fortes entre les modèles de participation citoyenne impulsés par les cadres de référence et leurs réalités d’application territoriale. Celles-ci prendraient source au cœur des négociations qui se jouent entre les différents acteurs concernés par l’action gérontologique et en présence sur un même territoire. Ces jeux d’acteurs (ou, par extension, jeux de pouvoirs) peuvent alors être lus comme l’expression d’interfaces qui s’apparentent à des lieux (matériels ou non) où les différents acteurs qui sont amenés à dialoguer et à débattre sur un projet ou sur une politique commune se rencontrent et s’appliquent à défendre leurs propres logiques et à composer avec celles des autres. Ces interfaces, bien plus que de désigner un simple espace physique, intègrent à la fois les dispositifs, les politiques, les interrelations entre l’ensemble des acteurs concernés par une même thématique, leur histoire, les tensions et coopérations qui peuvent exister entre eux, tout ceci conduisant à l’émergence d’objets hybrides, objets hybrides qui sont la traduction territoriale des politiques publiques ou projets négociés.

Ainsi, l’émergence de ces interfaces au cœur du principe de participation citoyenne des aînés impose de s’interroger sur la manière dont les publics âgés sont impliqués dans la redéfinition de leurs territoires. Puisque les cadres de référence sont soumis à des modulations qui se jouent au sein des interfaces, comment les modèles d’intégration citoyenne insufflés par la législation ou d’autres référentiels se déclinent-ils sur les territoires ? Pour apporter des réponses à ce questionnement, nous avons mis en place une enquête qualitative visant à collecter la parole représentée des aînés sur le thème de la participation citoyenne des aînés au plus près des pratiques et des territoires.

The remaining surrounding areas of Lisbon (in the Northern area) are mainly composed by lower social classes, essentially employees. It should be noted that Lisbon, aside from its mainly “individualistic” family structure strongly marked by an accentuated ageing of the population, reproduces in a certain way that social division of space between the west and the east that characterizes several European cities: a division that shows “impoverishment” as we move from the west to the east. In turn, the southern metropolitan area presents a general social structure mark ed by the lower classes in comparison with the north. It is worth mentioning the relevance of the proletariat. On the other hand, it has a territorial settlement more disperse and a greater weight of detached housing, two features that make a superior difference in relation to the northern area and essentially to the city of Lisbon: a city dominated by apartments, and the only part of the metropolitan area where we still have some equilibrium between ownership and renting.

 

3. Présentation des études de cas

Afin d’aborder notre objet d’étude, nous avons développé une méthodologie qualitative de collecte de données. Nous avons posé ce choix en raison de la rareté des travaux existant, en France, sur le thème de la participation citoyenne des aînés aux territoires, et, a fortiori, ceux concernant le modèle VADA. En effet, une revue de littérature internationale a permis d’identifier les travaux importants et les thèmes centraux de la participation citoyenne des aînés. Il nous est aussi rapidement apparu que cette littérature, notamment en France, était assez peu développée et qu’elle se situait aux marges de la sociologie ou de la science politique. L’inexistence d’une « critical gerontology » francophone vient renforcer ce constat, là où les analyses anglo-saxonnes développent un ensemble de travaux sensibles aux intérêts des acteurs d’une part, tout en étant capables d’interrogation critique sur les approches dominantes du vieillissement d’autre part.[7] On retrouve d’ailleurs certains tenants de la critical gerontology, comme Chris Phillipson ou Thomas Scharf, au cœur d’une série de travaux de l’environmental gerontology, creuset théorique à l’intersection de la réflexion et de l’action et auquel s’alimentent de nombreux chercheurs.

Notre méthode qualitative a également été influencée par trois entretiens exploratoires d’experts des questions de la participation sociale. Ceux-ci ont été menés auprès de Dominique Argoud, expert du vieillissement et des territoires et de Loïc Blondiaux et Marie-Hélène Bacqué, experts de la démocratie et de la participation citoyenne.

 

ENCADRÉ METHODOLOGIQUE

Pour étudier les formes de participation citoyenne des aînés dans le Grand-Est français, nous avons identifié quatre communes ; le « choix » de celles-ci a été négocié avec le comité de pilotage de la recherche sur la base de deux critères clés. D’une part, il s’agissait d’avoir des contextes urbains et ruraux ; d’autre part, il s’agissait d’identifier des contextes incluant une démarche VADA, et d’autres contextes sans cette démarche. De manière complémentaire à ce second critère, nous avons été attentifs à repartir de terrains que le REIACTIS avait déjà identifiés comme « porteurs » sur les thèmes de l’animation gérontologique. Ces quatre communes constituent alors autant d’études de cas (Yin, 2009) constituant un tout analytique.

Au total des quatre études de cas [8], la phase de collecte de données qualitatives s’est appuyée sur 20 entretiens semi-directifs (entre 30 et 90 minutes chacun) réalisés auprès d’acteurs qui par leurs actions, contribuent à promouvoir l’intégration citoyenne des publics aînés dans la redéfinition de leurs territoires de vie. Afin d’étudier un échantillon diversifié, trois catégories d’acteurs ont prioritairement été approchées, à savoir des décideurs politiques, des professionnels du milieu gérontologique et des représentants d’associations d’aînés. Nous avons opté pour des entretiens semi-directifs, c’est-à-dire des entretiens qui se construisent sur la base d’une attitude non dirigiste visant à favoriser la parole dans un climat de confiance et s’appuyant sur un cadrage minimal, mais existant, du discours pour assurer le traitement des thématiques souhaitées (Berthier, 2010). Grâce à cette méthode, nous pouvons approcher au mieux cette « parole représentée », c’est-à-dire cette parole qui s’extrait du niveau individuel pour aller vers une parole collective (Argoud e Puijalon, 2003). Cette méthode doit mettre en lumière non seulement les moteurs et coopérations mais aussi les éventuelles tensions ou dérégulations qui impactent territorialement l’implication citoyenne des aînés.

Une fois collectés, ces discours ont été intégralement retranscris pour pouvoir être ensuite analysés à l’aide de NVivo, logiciel de traitement de données qualitatives. Le traitement des données s’est effectué en partie selon les thèmes majeurs dégagés lors de la création du guide d’entretien, mais également par des thématiques nouvelles qui ont émergé de façon particulièrement récurrente dans les propos des interlocuteurs.

Ville A [9]: Un microcosme favorable au développement de partenariats dans le domaine de l’action sociale et sanitaire

Cette ville d’environ 50 000 habitants, dont plus de 20% est âgé de 60 ou plus, s’inscrit dans un contexte territorial particulièrement favorable à une action gérontologique concertée. En effet, chef-lieu d’un petit département, elle concentre la majorité des actions et des dispositifs en faveur des publics âgés. En outre, dans une tradition d’action sociale de longue date, cette localité représente un microcosme particulièrement adéquat pour le développement d’une préoccupation forte et globale à l’égard des aînés.

En véritable emblème de la culture partenariale et transversale en matière gérontologique, peut être présentée la Maison de l’autonomie qui a vu le jour sur ce territoire en 2008. Rassemblant les services départementaux en direction des personnes âgées, la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), les services de soutien à domicile du Centre communal d’action sociale (CCAS) et plus récemment la Maison pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (MAIA), cette structure offre l’opportunité d’observer les besoins des publics visés de manière globale et d’adapter les actions menées aux spécificités de la ville en particulier et de son département plus largement.

Ville B : Entre culture de la participation et principe d’expérimentation, la parole des aînés en écho

Ce territoire rassemble près de 120 000 habitants dont, ici aussi, plus d’1/5e sont des personnes âgées de 60 ans ou plus. Sa particularité réside en son histoire sociale particulièrement mouvementée. En effet, elle a connu une crise économique et sociale majeure dans les années 1970, illustrée par un emblématique conflit horloger. Face au déclin de l’entreprise horlogère, les ouvriers se sont engagés dans l’une des premières expériences d’autogestion en France en tentant de vivre du fruit de leur travail. Cette histoire sociale a forgé une culture de militantisme qui marque encore particulièrement les aînés d’aujourd’hui, ouvriers d’hier (Vincent, 2007). En outre, la ville B a développé très tôt une forte tradition d’innovation sociale tournée particulièrement vers les publics âgés. À la fin des années 1960, elle institue par exemple un Minimum social garanti, revenu réservé lors de sa création aux personnes âgées en difficulté. En outre, face à une demande sociale forte en matière de reconnaissance du rôle citoyen des aînés, la ville s’engage au début des années 2000 dans l’animation d’un Conseil des sages, actuellement toujours en fonction. Au terme de la même décennie, est créée également une Maison des seniors. Cette structure vise tout particulièrement à faire vivre la citoyenneté en-dehors du monde du travail et à faciliter l’accès à l’information et aux services en matière de vieillissement.

Finalement, la présence de nombreuses ressources en matière gérontologique (Conseil des sages, Maison des seniors, évènements annuels portant sur le vieillissement, etc.) sur le territoire communal a conduit la ville B à rejoindre la démarche VADA en 2011, et à intensifier de la sorte son effort déjà largement engagé en faveur de l’intégration citoyenne des aînés dans la cité.

Ville C : Un portage politique fort vers une démarche du mieux vivre ensemble, appuyée sur le vieillissement actif

La ville C compte plus de 150 000 habitants, dont plus d’1/5e sont des personnes âgées de 60 ans ou plus. L’année 2010 marque un tournant dans l’action gérontologique de la commune, puisque celle-ci s’engage alors dans une démarche VADA. Son adhésion à ce dispositif, fortement portée par les élus politiques locaux, sera suivie par une série d’actions de grande ampleur en matière de vieillissement. En effet, des consultations et des réflexions partenariales réalisées dans le cadre de la démarche VADA, résulte, en 2012, la création d’un Observatoire de l’âge. Cette structure participative vise, par des échanges entre l’ensemble des acteurs concernés par le vieillissement, à offrir un accès plus grand à l’information, à évaluer les pratiques mises en œuvre sur le territoire et à imaginer leurs développements futurs. S’il n’existe pas d’évaluation de ce dispositif à ce jour, soulignons qu’il s’appuie sur une approche globale et concertée du vieillissement en rassemblant en cinq collèges distincts, habitants de tous âges, représentants d’associations de retraités, experts (professionnels et universitaires) et élus. L’année suivante, c’est une Maison des seniors qui ouvrira ses portes au sein du territoire de la ville C. En réponse à une demande sociale de meilleure lisibilité des activités et services dispensés en direction des publics âgés, elle propose aux habitants de l’information et un accompagnement dans les démarches liées au vieillissement.

Village D : La proximité géographique et relationnelle comme atout pour un vieillissement citoyen

Dans un souci d’observer la manière dont se décline la participation citoyenne des aînés en milieu rural, le village D a été approché dans le cadre du PEIV. Celui-là compte tout juste 1500 habitants, dont le tiers sont des personnes âgées de 60 ans et plus. En comparaison des trois autres études de cas, nous avons donc ici non seulement une population rurale, mais aussi une population vieillissante quantitativement plus importante.

Fortement préoccupée par la question du vieillissement, l’équipe municipale du village D a développé un Conseil des sages depuis 2008. Si ce dispositif témoigne de l’intérêt porté à la voix des aînés, les solidarités développées spontanément par les élus municipaux afin d’intégrer ces publics aux espaces publics de débats sont d’autant plus significatives. En effet, les élus se proposent de véhiculer les aînés désireux d’assister aux séances du Conseil des sages et éprouvant des difficultés de mobilité. Précisons également que, dans un souci de répondre aux besoins des aînés et d’optimiser leur accès aux espaces publics, la commune propose un service d’accompagnement motorisé à ses retraités. Si ce service répond aux besoins (médicaux, alimentaires, sociaux, etc.) des aînés, il est avant tout l’opportunité pour la municipalité de lutter contre l’isolement et le repli social de ces publics au sein de son territoire.

L’exposition de ces quatre études de cas offre une première mise en lumière de la diversité des mises en œuvre de la participation citoyenne des aînés sur les territoires. Dans la section suivante, nous analysons cette situation de manière systématique.

 

4. La participation des aînés, entre fantasme et réalite

Six enseignements peuvent être tirés de nos premières observations dans le Grand-Est français. Les trois premiers offrent un éclairage général quant aux forts décalages existant entre les cadres et modèles de référence mis en œuvre en faveur de la participation citoyenne des aînés et la réalité de leurs applications territoriales : premièrement, la faible identification des aînés aux dispositifs participatifs qui leurs sont dédiés, deuxièmement les dissonances existantes entre les discours et les pratiques d’intégration citoyenne des aînés et enfin l’hybridation d’un cadre transnational (la démarche VADA) lors de son application locale.

Ensuite, une seconde catégorie d’enseignements aborde des facteurs relevant des spécificités territoriales et ayant été identifiés comme exerçant une influence notable sur l’émergence d’une plus grande implication des aînés dans l’évolution de leur territoire de vie. Trois facteurs seront présentés, à savoir le leadership comme déterminant indispensable à la promotion de la citoyenneté des aînés, l’importance du portage politique pour une implication des aînés opérationnelle et l’influence indéniable de l’histoire sociale et politique des lieux dans l’apparition de la figure de l’aîné-citoyen. Rappelons également ici que ces analyses s’appuient sur les discours recueillis auprès des intermédiaires de la participation citoyenne des aînés, c’est-à-dire de professionnels, de décideurs ou de représentants d’aînés œuvrant en faveur de l’implication des aînés dans la définition de leur environnement de vie. Moins que de s’interroger sur le vécu des aînés eux-mêmes en matière de participation citoyenne, cette étude questionne donc les modalités d’applications territoriales des principes des démocraties participative et sanitaire appliquées au public « aînés ».

 

4.1 Des décalages entre les cadres et modèles de référence pour la participation citoyenne des aînés et la réalité de leurs applications territoriales : constats généraux

A. Une faible identification des aînés aux instances participatives qui leurs sont dédiées

Premièrement, le traitement des entretiens a mis en lumière une récurrence dans l’emploi de termes faisant référence à un certain nombre de dysfonctionnements au sein des dispositifs ou des instances de participation citoyenne dédiés aux aînés. En effet, près de 70 références témoignent des « difficultés », des « problèmes » ou des « limites » dans le fonctionnement ou l’influence de ces dispositifs.

D’abord, un nombre important d’acteurs s’accorde à mentionner que la question de la représentativité des personnes âgées au sein des dispositifs de participation n’est pas résolue. En effet, la difficulté pour ces dispositifs réside en le faible sentiment d’appartenance à une classe d’âge homogène qu’éprouvent les personnes âgées. Comme l’explique très clairement Loïc Blondiaux en parlant des publics âgés : « Ils sont partout [dans les dispositifs de participation citoyenne] mais ne se reconnaissent pas en tant que tels » (Entretien exploratoire). Justine, représentante d’un des CODERPA approchés confirme cette réalité : « Alors le problème c’est que les personnes âgées tant qu’elles n’ont pas 85 ans, elles ne se considèrent pas âgées [rires]. Donc les ¾ des gens qui ont entre 75 et 85 ans ne sont pas dans une association de retraités » (Entretien de recherche 8). Cette faible identification des personnes âgées elles-mêmes à une catégorie d’âge homogène pose des questions quant à la portée des dispositifs de participation citoyenne dédiés aux aînés. En effet, comment représenter les intérêts d’une cohorte dont les membres ne se sentent pas appartenir à un même ensemble de population ? Ce questionnement nous amène également à nous interroger sur la pertinence des intitulés des dispositifs de participation dédiés aux aînés. Par exemple, les « Conseils des sages » ou encore les « Comités de retraités et personnes âgées », par les termes qu’ils affichent sont-ils encore à même d’attirer les aînés qui aujourd’hui ne se reconnaissent plus dans ces qualificatifs ? Le vocable plus neutre d’« aînés », permet-il d’éviter les pièges francophones de la catégorie « senior » qui, constituant à l’origine une cible marketing, « recouvre l’ensemble des personnes de plus de 50 ans – ce qui constitue un marché énorme – tout en se focalisant sur la partie la plus jeune et la plus aisée de cette population » (Caradec, 2001, p. 27).

Ensuite, ce décalage entre l’image véhiculée des dispositifs de participation des aînés et la perception du vieillissement par les individus nous dirige vers deux questions fondamentales. D’une part, si les aînés ne se reconnaissent pas comme étant les publics visés par ces dispositifs, à qui ces derniers s’adressent-ils aujourd’hui et quels sont les intérêts ou les attentes qui y sont défendus ? Paul, un acteur du vieillissement placé auprès des élus de la Ville A, évoque très justement cette idée : « Le fait de refuser qu’individuellement on vieillit amène les gens à toujours causer au nom des autres, mais quels sont ces autres ? Du coup le problème est de pouvoir cerner le vrai besoin ou la vraie attente » (Entretien de recherche 16). D’autre part, ce manque d’identification à ces instances pose des difficultés plusieurs fois évoquées pour recruter des participants. Sébastien, représentant d’un organisme d’aînés au niveau national, nous fait part de ce constat : « il y a de vrais problèmes de recrutement, parce que les personnes âgées ne sont pas très… Elles veulent bien s’associer pour danser, déjeuner, etc. Mais pour aller manifester ou protester, ou travailler sur des questions sociales, etc. on trouve beaucoup moins de volontaires » (Entretien de recherche 12). Comment en effet recruter des participants, dans ce rapport au vieillissement rendu aujourd’hui particulièrement individuel ? Cet enjeu de représentativité peut-il véritablement trouver des réponses adaptées au sein des dispositifs de participation dédiés aux aînés ?

Ainsi, cet axe révèle les difficultés auxquelles se confronte l’organisation de la participation citoyenne des aînés sur les territoires. Il s’agit notamment de la faible identification des aînés à une classe d’âge homogène, limitant ainsi leur intérêt pour les dispositifs qui leurs sont directement dédiés, et apportant des enjeux complexes en matière de représentation des intérêts de ces publics.

B. Des distorsions entre l’intégration théorique des aînés et sa mise en pratique territoriale

Deuxièmement, les propos des acteurs rencontrés ont dévoilé une dissonance certaine entre la volonté affichée de favoriser l’intégration citoyenne des aînés dans les processus décisionnels et les moyens réellement mis à disposition dans cette visée. Ce constat se lit de façon flagrante dans l’analyse de l’architecture institutionnelle française de la participation citoyenne des aînés. En effet, précisons que si le CNRPA est souvent présenté comme la figure de proue institutionnelle de la représentation des aînés, il bénéficie de moyens (matériels et financiers) très minces, attribués par le Ministère au côté duquel il se place directement. Sébastien, déjà cité plus haut précise : « Des ressources financières ? Nous on ne sait pas ce que c’est [rires]. (…) Et alors les seuls moyens financiers, ce sont pour payer les frais de déplacements des membres qui viennent. Autrement, si je veux payer une étude à une université alsacienne, bisontine ou bretonne, je n’ai pas les sous ». (Entretien de recherche 12). Plus que d’accuser des difficultés financières, ceci met en lumière une certaine dépendance de cette instance consultative à l’égard des décideurs publics financeurs et témoigne du contrôle que ceux-ci peuvent exercer sur la portée des actions et plus généralement du pouvoir du CNRPA. Ce constat vaut pour une majorité d’instances de consultation des aînés, qui en France, sont pour beaucoup placées directement sous l’égide d’un pouvoir public ou d’un décideur politique.

Mais encore, au-delà de ces considérations matérielles et financières, se pose également la question du réel pouvoir d’influence détenu par les représentants d’aînés (voire les aînés eux-mêmes) qui prennent part aux espaces de débats existants. Certains propos sont révélateurs en la matière, comme ceux de Sébastien « C’est ça le problème, on n’a pas de soutien logistique qui viendrait nous dire que le problème c’est ça, et ça. Donc au cours d’une réunion on voit passer des études, et on ne sait pas très bien ce qu’elles représentent » (Entretien de recherche 12). La faiblesse des moyens humains ou techniques permettant de conseiller les participants aux instances consultatives représente donc un frein notable pour une pleine appropriation des enjeux qui concernent le vieillissement. La transversalité des questions liées au vieillissement suppose en effet des compétences étendues, souvent non détenues par les simples bénévoles. Ce constat s’accentue encore davantage en matière gérontologique, où les questions de santé interviennent de manière récurrente et supposent une certaine expertise afin d’être pleinement maîtrisées. Benoît, Président d’une Conférence régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA) illustre cette réalité à travers ses propos qui qualifient l’inégalité des compétences entre les instances spécialisées dans la santé et les organes de démocratie qui y sont adossés : « Voilà, c’est aussi le rapport entre une structure qui va préparer ses axes de travail [référence à l’Agence régionale de santé ou ARS] et notre structure [référence à la CRSA] qui ne dispose pas toujours peut-être de toutes les ressources pour pouvoir amender suffisamment un document. C’est ça aussi les limites de la démocratie sanitaire » (Entretien de recherche 6).

Ainsi, ce second axe évoque l’idée selon laquelle le principe d’intégration citoyenne des aînés ne repose pas sur le seul accès physique des citoyens aux espaces de débats publics. Il s’appuie également sur leur accès aux compétences et aux codes nécessaires à la compréhension des enjeux qui s’y jouent. En effet, comment un acteur peut-il défendre ses intérêts s’il n’est pas en mesure d’identifier (et d’anticiper) ceux des différents acteurs en présence ? Cette interrogation met en lumière l’importance d’une plus grande lisibilité des jeux d’acteurs qui émergent et se reconfigurent continuellement au sein de ces négociations. Dans ces conditions, peut-on imaginer que des intermédiaires, qui en véritables pouvoirs neutres, pourraient investir les lieux de débats afin de réguler les négociations et garantir une meilleure appropriation des enjeux par l’ensemble des acteurs en présence ? Cette condition n’est-elle pas finalement indispensable pour l’émergence d’un véritable pouvoir citoyen au cœur de ces interfaces de négociation ?

C. Un cadre de référence pour des applications territoriales multiples : l’exemple de VADA

Enfin, les investigations de terrain menées à l’échelon local sont venues conforter notre hypothèse initiale selon laquelle les cadres de référence portant la participation citoyenne des aînés se déclinent de manières très variables au sein des territoires. Ce résultat peut être présenté en s’appuyant sur les démarches VADA observées durant cette première année d’étude. En effet, le label VADA se présente comme l’opérationnalisation, au niveau local, du référentiel du vieillissement actif de l’OMS (Moulaert & Viriot Durandal, 2013). Bien que cette traduction territoriale du concept théorique repose sur un protocole commun (formalisé à travers le Guide mondial [10] de l’OMS et encadré par le Réseau francophone des villes amies des aînés depuis 2012), les investigations de terrain ont montré de profondes disparités dans la mise en œuvre de la démarche VADA au niveau local. En effet, pour la Ville B engagée dans une telle démarche, les fonctions de coordination sont déléguées au Centre communal d’action sociale (CCAS) pour une application territoriale au plus près des acteurs de terrain. En outre, la stratégie développée repose davantage sur une reconfiguration des actions municipales pour tendre vers une approche globale du vieillissement basée sur l’existant et les ressources existantes. Pour la Ville C par contre, la mise en œuvre de VADA s’appuie sur un fort pilotage politique, couplé à la réalisation d’actions et de structures visibles sur le territoire, permettant d’identifier rapidement l’engagement de la commune dans cette démarche envers les aînés.

Ces disparités dans l’application VADA au sein de ces deux villes traduisent avant tout une forte adaptabilité de la démarche aux spécificités territoriales, démographiques, et évidemment politiques. Celle-ci garantit, au niveau local, une meilleure prise en compte des besoins spécifiques des populations aînées en regard des enjeux qu’elles rencontrent au sein de leur territoire de vie. Toutefois, ces adaptations locales fortes montrent également les difficultés auxquelles se confrontent les dispositifs nationaux ou supranationaux, visant à favoriser (voire enjoindre) l’intégration des aînés à l’évolution de leurs lieux de vie, au sein des territoires de proximité (cette malléabilité locale peut engendrer dans certains cas des situations d’affichage politique plus qu’une véritable redéfinition des politiques et pratiques, ou encore le développement d’une démarche bureaucratique au bénéfice des professionnels).

 

4.2. Une combinaison des facteurs territorialisés pour une participation effective des aînés au niveau local

Un second pan de l’analyse des discours permet d’observer que des cadres forts visant à susciter la participation citoyenne des aînés sont une condition nécessaire, mais non suffisante pour accorder une place entière aux aînés dans les négociations portant sur leurs territoires. Ce résultat peut s’illustrer à travers l’influence très variable que détiennent par exemple les CODERPA sur le territoire français, alors même qu’ils sont institués par un cadre législatif national. Il en va de même pour les initiatives VADA observées en France, et qui bien que basées sur un référentiel et une méthodologie commune, sont largement soumises aux spécificités locales. Dans ce contexte, quels sont alors les facteurs favorisant l’émergence d’une figure active du citoyen âgé au cœur des territoires ? Nous nous focaliserons dans ce texte sur trois points particuliers : le leadership local, le portage politique local et l’importance de l’histoire territoriale locale.

Within this cohort the original metropolitan population does not reach 50%. In fact, those that are originally from the LMA are 46.2%. 45.4% of the actual residents of the LMA in this cohort came from other areas of the country, primarily from the centre of Portugal, but also from the south and to a lesser extent from the north. Around 8% came from the former colonies, and they began arriving in Portugal during the 70’s at the age of 25, around the date of the decolonization (1975). So, this generation is still an important protagonist of the rural exodus. The majority of the original residents of the LMA were from the city of Lisbon (48%), followed by those from the Northern LMA (34%) and finally by those from the Southern LMA (18%). Despite this fact, as time goes by, there is a notable movement to the peripheries, essentially to the Northern LMA, which at present has 53% of the LMA’s residents in this cohort (Lisbon: 20%; Southern LMA: 28%). Regarding Lisbon’s residents, there is some slight growth from the age 17 to the age 29, which possibly corresponds to a transitional moment: regarding some of those that came from outside the Metropolitan Area and afterwards progressively went to the periphery.

 

A. Le leadership local, un déterminant central

D’abord, l’émergence d’un leadership détenu par un individu ou un petit groupe d’individus est apparue comme une condition essentielle au développement de la participation citoyenne des aînés et à sa pérennité. Bien que cette forte appropriation individuelle des dispositifs puisse paraître antinomique à la défense de l’intérêt commun des publics âgés, elle s’est présentée comme étant nécessaire afin de préserver la place des organismes de représentation des aînés au sein des jeux de négociation publique. Elle passe régulièrement par des comportements d’insistance et de désobéissance volontaire dans le but de peser plus fortement sur les prises de décisions. Fabienne, membre d’une instance consultative régionale en témoigne : « Parfois ils [référence aux élus et professionnels de santé] font des choix qui ne vont pas dans le sens que je souhaiterais, mais dans ce cas-là, j’écris, je demande à ce qu’on revoit les choix. J’écris aussi au ministère pour revoir les choix » (Entretien de recherche 13). Cette importance du leadership est en partie due au caractère consultatif généralement attribué aux instances de représentation des aînés, niveau de participation qui ne garantit en rien la prise en compte effective des avis qu’elles formulent. Cette observation de l’importance du leadership local peut alors concerner aussi bien des agents intermédiaires que des représentants d’ainés.[11]

 

B. De l’utilité d’un portage politique local

Ensuite, à ce nécessaire portage individuel de la participation des aînés s’ajoute l’importance d’une prise en compte politique de cet enjeu. En effet, les dispositifs de participation des aînés s’inscrivent dans une relation de forte proximité avec les instances décisionnelles. C’est le cas pour le CNRPA placé auprès du Ministère des affaires sociales et de la santé. Mais aussi pour les CODERPA dépendant des Conseils généraux, ou encore pour les Conseils des sages situés aux côtés des municipalités. En outre, ceux qui n’émaneraient pas d’une volonté institutionnelle, se voient contraints d’évoluer dans un environnement fortement institutionnalisé pour accéder aux scènes de débats publics. Dans ce contexte, la place et l’importance que leurs accordent les pouvoirs publics jouent un rôle majeur dans la prise en compte de leurs revendications ou propositions.

 

C. L’histoire du territoire, un élément déterminant

Enfin, de l’histoire sociale et politique des territoires émanent également des prédispositions plus ou moins grandes au développement de la participation citoyenne des aînés dans les redéfinitions territoriales. Ce constat a notamment été observé au sein de la Ville B, qui marquée par des luttes sociales anciennes a vu naître une demande sociale forte en matière de reconnaissance de la citoyenneté des aînés. De cette sollicitation publique est alors né un Conseil des sages (Vincent, 2007). En outre, la Ville A témoigne quant à elle d’une sensibilité de longue date pour l’action sociale, comme l’évoque Geoffrey, un acteur local de cette ville : « Donc il y a une offre qui est posée historiquement en direction des personnes âgées avec un engagement politique relativement fort qui provenait à l’époque entre-autre de Monsieur [Untel] qui était le personnage local clé, et qui a encore d’ailleurs quelques clés aujourd’hui. Donc ça c’était l’impulsion de départ et c’est vrai que ces services ont grandi (…) » (Entretien de recherche 7). De cette histoire politique est alors progressivement apparu un climat particulièrement propice à une culture gérontologique forte et à une structuration des réponses apportées aux problématiques du vieillissement rencontrées sur le territoire.

Ces premiers résultats témoignent de la diversité des modèles de participation citoyenne pouvant être développés au sein des territoires. En effet, ils ont montré les nombreuses modulations que subissent les cadres de référence visant à promouvoir l’implication des aînés dans la redéfinition de leur cadre de vie lors de leur application aux territoires. À ces modulations descendantes peuvent s’adjoindre parfois des facteurs territorialisés, qui en association, garantissent une plus forte émergence de la figure citoyenne des aînés sur les territoires.

 

4. Conclusions et perspectives

Cet article présente les premières pistes dégagées après une première année d’étude menée dans le cadre du PEIV ; il s’est avant tout focalisé sur l’analyse de la parole représentée au sein des instances et des dispositifs de participation citoyenne des aînés. Il a permis de montrer que les cadres et structures de référence en matière de participation citoyenne des aînés subissent de fortes hybridations lors de leur mise en œuvre territoriale. Ces modulations sont engendrées par les négociations entre les différents acteurs présents sur les territoires qui font naître une grande diversité de formes et pratiques d’intégration citoyenne des aînés au niveau local. Mais il a su également dégager les déterminants nécessaires à l’émergence d’une véritable prise en compte des aînés dans la redéfinition des cadres de vie au niveau local.

Toutefois, le recueil de cette parole représentée est-il suffisant pour cerner les principes de la participation citoyenne dans toute leur complexité ? Il appert que l’analyse de la parole vécue, c’est-à-dire de la parole des aînés à qui s’adressent les dispositifs ou instances de participation citoyenne, devrait apporter une finesse supplémentaire dans la compréhension de ce principe. C’est ce défi qui va être mis en œuvre lors de la seconde année du PEIV et qui va consister en l’approche de ce nouveau type d’acteurs, jusqu’alors écarté de l’enquête. Cette approche compréhensive de la participation citoyenne des aînés s’appuiera tout particulièrement sur la rencontre des « invisibles », c’est-à-dire des aînés qui évoluent généralement en-dehors des scènes de débats et de consultation publics et dont les propos pourraient apporter un niveau de compréhension supplémentaire en termes de développement d’une figure de l’aîné-citoyen plus en phase avec ses territoires. Afin d’étayer ces observations et dans une logique de comparatisme international, de premières investigations ont également été engagées au Québec. Celles-ci feront l’objet d’analyses approfondies en deuxième année du PEIV, deuxième année qui vise l’ouverture des frontières du programme d’étude actuellement mis en œuvre principalement sur le territoire français.

 

 

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Liste des abréviations

AFC : Age Friendly Cities ou Communities

ARS : Agence régionale de santé

CCAS : Centre communal d’action sociale

CNDP : Commission nationale du débat public

CNRPA : Comité national des retraités et personnes âgées

CODERPA : Comité départemental des retraités et personnes âgées

CRSA : Conférence régionale de la santé et de l’autonomie

MAIA : Maison pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer

MDPH : Maison départementale des personnes handicapée

OMS : Organisation Mondiale de la Santé

PEIV : Programme d’étude international sur le vieillissement

REIACTIS : Réseau d’étude international sur l’âge, la citoyenneté et l’intégration socio-économique

VADA : Villes amies des aînés

 

Notes

[3] La réédition serait le fruit d’une collaboration entre la coopération EFFISCIENCE, La Documentation Française et les éditions L’Harmattan. Voir : http://www.lamaisondelautonomie.com/reedition-du-rapport-laroque/, site consulté le 4 octobre 2014.

[4] Pour une critique radicale de la Loi sur l’adaptation de la société au vieillissement, dès avant sa validation finale par le Sénat, voir par exemple Bernard Ennuyer ; Le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement : un projet inutile voire discriminatoire !, Site du Syndicat National des enseignants de second degré, http://www.snes.edu/LOI-D-ADAPTATION-DE-LA-SOCIETE-AU.html, site consulté le 27 janvier 2015.

[5] En France, quelques études se sont penchées sur les rapports entre l’urbain et le vieillissement : par exemple l’ouvrage Villes et vieillir (Institut des villes, 2004), mais très peu se sont attelées jusqu’ici à lier les questions de vieillissement et celles de la participation citoyenne.

[6] Ces études de cas ont été réalisées dans le cadre du Programme d’étude international sur le vieillissement (PEIV) développé par le Réseau d’étude international sur l’âge, la citoyenneté et l’intégration socio-économique (REIACTIS) depuis la fin 2013 et jusqu’en 2016 et lancé par Jean-Philippe Viriot Durandal. Présidé par ce dernier, le REIACTIS est une association qui a pour vocation de rassembler des chercheurs en sciences sociales travaillant sur la double thématique du vieillissement et de la citoyenneté. Il s’intéresse à ce titre aux thématiques de la participation sociale et de l’intégration citoyenne des personnes âgées depuis sa création en 2008..

[7] Pour une présentation des différents courants de la critical gerontology et de leurs intérêts pour le lecteur francophone, voir Moulaert (2012).

[8] Pour respecter le principe d’anonymat annoncé aux acteurs interrogés afin de favoriser le recueil d’une parole libérée, les études de cas, ainsi que les références aux discours des acteurs, ont été rendues anonymes. Les villes prennent donc pour noms les quatre premières lettre de l’alphabet, quant aux acteurs rencontrés, des prénoms aléatoires leurs ont été attribués.

[9] Un tableau synoptique présentant les quatre études de cas observées est disponible en annexe à cet article..

[10] Le Guide mondial de l’OMS est disponible sur le site internet de l’OMS à l’adresse suivante : http://www.who.int/ageing/projects/age_friendly_cities_network/fr/

[11] Au Québec, le leadership local est inscrit au cœur du modèle MADA comme un puissant moteur de la vigueur des « comités de pilotage » municipaux. Il peut s’agir d’un membre clé dans l’administration municipale mais aussi d’une figure charismatique représentant les aînés (Garon et al., 2014).

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