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Ex aequo

Print version ISSN 0874-5560

Ex aequo  no.27 Vila Franca de Xira  2013

 

Who is affraid of Pink? L'Affraire de la stature Jeanne D'Arc à Lille: Happening queer et dissidences dans les milieux LGBT francais

Who is affraid of Pink? O caso da estátua de Joana D’Arc em Lille: Happening queer e as dissidências dentro do contexto LGBT francês

Who is affraid of Pink? The Joan of Arc case in Lille (France). Queer Happening and dissidence in the LGBT movement in France

 

Marie-Emilie Lorenzi*

Université de Paris 1, França

 

RÉSUMÉ

A quoi reconnaît-on une action ou un happening féministe-queer? Difficile de donner une réponse simple et succincte à cette question. En prenant pour exemple l’«affaire de la statue Jeanne d’Arc» une action qui s’est déroulée début 2010 en France, à Lille exactement, il semblerait que certains signes caractéristiques ne trompent pas, notamment l’utilisation de la couleur rose dans cette action. Cependant la signification de cette couleur n’acquiert pas la valeur d’une évidence partagée, au contraire, le choix du rose donne lieu à des interrogations et génère des lectures discordantes, qui sont autant de signes des divergences au sein même des mouvements LGBT en France.

Mots-clefs: queer, féminisme, activisme, rose.

 

RESUMO

Como podemos reconhecer um happening feminista-queer? É difícil responder simples e resumidamente a esta questão. Se considerarmos como exemplo o «caso da Joana D’Arc» que teve lugar em Lille (França), em 2010, parece que uma das suas características evidencia a não utilização do cor-de-rosa. De qualquer modo, nem toda a gente conhece o significado desta cor, pelo contrário, o uso do rosa gera questões e interpretações discordantes. Tudo isto evidencia conflitos e divergências dentro do movimento LGBT francês.

Palavras-chave: queer, feminismo, ativismo, cor-de-rosa.

 

ABSTRACT

How can we recognize a feminist-queer happening? It is hard to answer simply and briefly to this question. Taking the «Joan of Arc case» as example, a happening which took place early 2010 in Lille (France), it seems that some features evidences do not lie, especially the use of the pink. However, everyone does not share the meaning of this color, on the contrary, the use of the pink generates questions and discordant interpretations. All this indicates patently conflicts and divergences within the LGBT movements in France.

Keywords: queer, feminism, activism, pink.

 

C’est une statue équestre comme on en voit régulièrement dans les villes de France, discrète dans le paysage urbain. D’ordinaire on ne prête guère attention à la statue de Jeanne d’Arc, sainte patronne de la France. Pourtant, celle de Lille va être l’objet de toutes les considérations pendant plusieurs semaines et causer des remous non seulement dans la sphère associative locale, mais aussi au niveau national en engendrant un débat assez polémique dans les milieux LGBT1.

Retour sur les faits: le 22 février 2010 à Lille, la statue équestre de Jeanne d’Arc déguisée de rose, est affublée d’un pénis rose et couverte de pancartes sur lesquelles on peut lire «God save the Queer», «trans, butch, asexuel.le, pédée, gouine?Va savoir. Je ne suis pas la pucelle catho-fasciste, pour qui on m’fait passer? ». La presse locale s’intéresse à l’affaire et la suit avec attention, relatant presque quotidiennement les faits. Puis c’est au tour de la presse spécialisée des milieux LGBT via les sites internet, les blogs, de relayer l’événement. Dix jours passent avant que l’action ne soit revendiquée par le collectif lillois Urban Porn – se présentant comme un groupe d’«individu.e.s féministes, queer, trans, pédés, gouines»2 – dix jours pendant lesquels les auteurs et les raisons de cette action restent inconnus. Ce silence favorise l’émergence d’hypothèses de toutes sortes et la multiplication des prises de position en faveur ou contre cette action (de la présidente d’une importante structure régionale regroupant de nombreuses associations LGBT, interviewée dans un quotidien local, aux plusieurs centaines de commentaires postés à la suite d’articles parus sur les sites internet de revues spécialisées LGBT, sans parler des réactions scandalisées des droites nationales et radicales et autres ligues de vertu, etc.).

Durant la dizaine de jours qui séparent l’action de la revendication, l’enquête journalistique progresse et les hypothèses concernant l’identité des auteurs de ce rhabillage sont pour le moins disparates: sont-ce des militants LGBT radicaux, proches de l’extrême gauche, des étudiants farceurs, ou des manipulateurs d’extrême droite qui tenteraient de discréditer les militants LGBT par une action jugée trop provocante? L’attribution de ce happening est incertaine, ce qui semble indiquer un problème quant à sa lisibilité. Ces quelques jours ont suffit pour que se distinguent nettement les différents acteurs de cette affaire Jeanne d’Arc: les médias régionaux qui se veulent les justes transcripteurs de l’acte, les associations homosexuelles lilloises qui le réprouvent, celles qui au contraire le salue, les mouvements issus des droites nationales et radicales qui le conspuent et enfin les auteurs du rhabillage toujours inconnus à cette date. Des opposants et des partisans qui tous défendent publiquement leurs prises de position, par l’intermédiaire de communiqués de presse ou via des blogs et des sites internet.

Dix jours plus tard, le communiqué d’Urban Porn lève le voile sur les auteurs et les enjeux recherchés de cette action: à la fois politique et ludique, elle tente de pointer les dérives d’un débat sur l’identité nationale, initié par l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy quelques mois plus tôt. En proposant une «lecture queer de la figure de Jeanne d’Arc»3, il s’agit pour Urban Porn d’utiliser l’espace public pour contrer le «débat national» en y exposant sa conception des identités de sexe, de genre, de classe et de race qui «n’existent pas par nature ou par essence mais [qui] sont construites culturellement, politiquement et socialement »4, et ainsi de construire et de maîtriser ses propres images, ses propres représentations, ses propres savoirs, à travers une stratégie de l’empowerment.

Menée dans l’espace public ce happening a favorisé les interventions publiques contradictoires, qui sont typiquement celles en jeu dans la définition de ce qu’est une «affaire». Dans son ouvrage consacré à l’étude de cas de rejets de l’art contemporain, la sociologue Nathalie Heinich (1998) analyse la polémique et les débats qui ont entouré la construction dans la cours du Palais-Royal en 1986 de l’oeuvre Les Deux Plateaux de Daniel Buren, une oeuvre communément appelée Les colonnes de Buren. Un cas exemplaire selon Nathalie Heinich où l’on a pu constater l’adoption de prises de position publiques bien marquées et qu’elle examine ainsi:

[…] l’expression publique d’une opinion a souvent partie liée avec l’indignation, elle-même révélatrice (plus encore sans doute que l’admiration) d’un profond investissement des valeurs au nom desquelles s’exprime l’accord ou le désaccord. Exprimé en privé, l’indignation est un puissant révélateur des valeurs d’une personne; exprimée publiquement, elle indique (entre autres) la capacité de ces valeurs à être considérées comme d’intérêt suffisamment général pour mériter l’effort d’une sortie hors de la sphère privée; exprimée publiquement et collectivement, elle signale leur degré d’investissement par une communauté de citoyens, et non plus seulement par des individus isolés et, corrélativement, leur pouvoir de généralisation, leur capacité à fédérer un grand nombre de personnes autour d’une «cause» (Heinich, 1998: 35-36).

A travers les commentaires et réactions suscités par le rhabillage de la statue Jeanne d’Arc, une analyse des différentes prises de position a été mise en place. Afin d’étudier les différents registres de valeurs des discours qui ont nourri la polémique et de comprendre ce qui a fait débat, le choix d’une analyse pragmatique des discours s’est imposé. Tout le matériel analysé est issu d’internet, parmi lequel une vingtaine d’article et assimilés-articles (des post sur des blogs), quelques communiqués de presse, des interviews, et presque deux cents commentaires d’internautes. Si bien qu’il est apparu que l’«affaire Jeanne d’Arc» a été le théâtre d’«indignations» comme le note Nathalie Heinich, mais aussi de célébrations; et ces commentaires, ces opinions, souvent des prises de position tranchées, sont autant de marqueurs propre à la définition de ce qu’est une affaire. Le choix de l’espace public pour mettre en scène la performance a inévitablement favorisé la multiplication de commentaires. De plus le caractère polémique de l’«affaire» a obligé les acteurs, à savoir les membres du collectif, les détracteurs et les partisans, à expliciter leurs points de vue et à développer leurs arguments.

Très rapidement, sont apparues des prises de position divergentes, au sein même du milieu militant homosexuel lillois, témoignant de l’hétérogénéité de celui-ci et contredisant l’idée souvent partagée d’une cohésion du milieu. Des conceptions diverses, parfois même antagonistes, du militantisme lié aux revendications LGBT se distinguent; des divergences portant aussi bien sur les modalités d’action que sur les discours qui les motivent. Cette situation conflictuelle a mis en lumière des interrogations relatives à la réception des pratiques queer, à leur lisibilité et à leur interprétation. Cette action porte vraisemblablement des signes qui ne font pas évidence, posant de fait la question du rapport à l ‘évidence. Une attention à la dimension cognitive du processus interprétatif va permettre d’interroger ce qui est signifiant et ce qui fait signe dans cette action pour les acteurs. Qu’est-ce qui leur permet d’interpréter cette action comme queer? Ou au contraire, pourquoi certain.e.s ne l’interprète pas comme tel?

Progressivement se dessinent une diversité des registres interprétatifs, qui ont partie liée avec des valeurs, des croyances, de habitudes, et qui, suite au dévoilement des auteurs du rhabillage de la statue, se font plus marqués, plus convaincants, conduisant à des prises de positions hétérogènes renvoyant chacune à des frontières cognitives. Le concept de «communauté interprétative» développé par Stanley Fish, éclaircit la dimension résolument collective dans la production de sens lors d’une lecture d’un objet ou d’un événement. Selon Fish, ces «manières de voir partagées», ou ce qu’il nomme encore «unanimité interprétative » s’organisent à l’intérieur du «présupposé» – puisqu’établit quasiment inconsciemment – d’un contexte. Il soutient qu’«être dans une situation (celle-ci ou une autre), c’est “voir” avec les yeux des intérêts, des objectifs, des pratiques bien comprises, des valeurs et des normes liées à la situation» (Fish, 2007/1980: 72). Au caractère normatif des actes interprétatifs, enchâssés dans des structures institutionnelles, s’ajoute la dimension intentionnelle: «[…] tous les types d’interprétation sont intentionnels […]. L’intentionnalisme n’est pas une méthode interprétative mais un fait sur l’interprétation […]» (Fish, 2007/1980: 103).

Pour ce qui regarde les questions relatives aux différentes interprétations du rhabillage de la statue Jeanne d’Arc, le concept de «communauté interprétative» emprunté à Fish, a le mérite d’expliciter les dissensions des différentes prises de position, les renvoyant alors à des désaccords interprétatifs. «Les lecteurs opérant à l’intérieur des présupposés spécifiques à une communauté ont tendance à voir le même texte» explique Fish et il poursuit à propos des désaccords: «les membres de communautés interprétatives différentes voient et, dans un sens très affaibli, font des textes différents» (Fish, 2007/1980: 130). C’est également ce à quoi Nathalie Heinich fait référence à propos de certains cas de rejets de l’art contemporain. «[Aux] désaccords fondamentaux sur les valeurs en jeu s’ajoutent les malentendus quant à ce qui est vu: malentendus nés du décalage entre le référent mobilisé […]». Elle conclut en admettant qu’il s’agit dès lors: «d’un problème de catégories cognitives ou de socles interprétatifs, entrainant des différends entre des catégories de public désormais disjointes, hétérogènes» (Heinich, 1998: 208). En ce qui concerne «l’affaire de la statue Jeanne d’Arc», le caractère hermétique des diverses prises de positions a mis à jour de profondes lignes de fracture dans le militantisme LGBT, résultant à la fois d’une mécompréhension des valeurs défendues par chaque camp et du recours à des cadres référentiels dissemblables. A travers l’analyse de cette affaire, des clivages manifestes ont été mis à jour entre un activisme queer et des formes plus «traditionnelles» de pratiques militantes LGBT, dont l’agenda, surreprésenté dans la sphère médiatique, monopolise la scène des revendications (qui sont bien souvent réduites à la réclamation de «l’égalité des droits» – mais qui se résume bien souvent au seul droit au mariage et/ou droit à la parenté – ainsi qu’à la lutte contre l’homophobie et contre les discriminations).

Cette «affaire de la statue Jeanne d’Arc» va ainsi faire émerger des questions d’ordre général, qui remuent la sphère du militantisme LGBT: celle de l’articulation du discours politique et des pratiques militantes, celle des rapports entre pratiques artistiques et politique, et celle de la séparation entre la sphère privée et la sphère publique, et de l’irrésoluble débat de la visibilité/invisibilité, et différence/ indifférence, pierre d’achoppement entre les diverses positions. Car bien plus qu’une simple mésentente ou divergence sur la manière d’agir, il semblerait qu’on ait plutôt affaire à un profond désaccord, voire à un différend, comme l’entend Jean-François Lyotard (1983), sur la forme, c’est certain, mais sur le fond également. Ainsi se dessinent les contours définitionnels d’un happening ou d’une performance féministe-queer en France au début des années 2010. Au cours de l’analyse de cette affaire, quelques caractéristiques propres à une action queer émergent: la dimension ludique et humoristique (et sans dégradation) de l’action, la réinterprétation de l’Histoire ou d’un mythe (en l’occurrence celui de Jeanne d’Arc) à travers des lunettes queer, l’attitude provocatrice susceptible de marquer les esprits et d’encourager le débat, et le choix de la couleur rose.

Cette action a rendu visible de nombreuses lignes de fractures entre un militantisme queer et un militantisme plus «traditionnel» LGBT, même s’il s’agit là d’un partage problématique et quelque peu arbitraire, tant il existe un complexe enchevêtrement des forces mobilisatrices. Cependant, la crispation autour de la couleur rose semble être symptomatique des incompréhensions, des malaises, des désaccords et des conflits parfois latents ou clairement affichés entre ces deux conceptions du militantisme. Cet article va être l’occasion de revenir sur ce point particulier de l’«affaire Jeanne d’Arc»: le choix de la couleur rose pour le rhabillage queer de Jeanne d’Arc qui a donné matière à réflexion pour les internautes. Il a été établi dans un premier temps de l’«affaire» que le silence autour de la divulgation des auteurs du rhabillage de la statue va non seulement entretenir l’ambiguïté du message de l’action, mais surtout favoriser les processus herméneutiques. Une absence de signature certes, mais cela ne signifie en rien illisibilité de l’action. Afin de rendre compte des divergences interprétatives à propos de la signification de la couleur rose dans la communauté LGBT, l’analyse ne portera que sur les commentaires des internautes recueillis sur les sites des revues spécialisées LGBT, et se restreint au dix premiers jours de l’«affaire», durant ce laps de temps, le mystère entourait encore cette action et ni les auteurs, ni le message n’étaient encore révélé.

 

La couleur rose et l’homosexualité

Avant d’entreprendre l’analyse, il est intéressant d’entreprendre un rapide historique de l’association de la couleur rose à l’homosexualité. L’historienne Florence Tamagne constate que le rose est «l’une des couleurs les plus fréquemment revendiquée par les homosexuels» (Tamagne, 2003: 406), mais son usage n’est pas sans soulever des interrogations, en témoigne ce rhabillage en rose de la statue Jeanne d’Arc qui donner lieu à de nombreux commentaires. Le choix du rose, une couleur qui dans le sens commun garde une connotation plutôt péjorative, donne matière à discussion. Ce détour par l’histoire et l’usage du rose est nécessaire pour saisir au mieux les multiples facettes de cette couleur, provocant à la fois attraction et répulsion et se caractérisant par une grande ambiguïté. «L’un des aspects intéressant du rose c’est son ambivalence intrinsèque» observe Barbara Nemitz (2006) dans un ouvrage consacré uniquement à cette couleur5. L’aversion dont elle est la victime semble s’expliquer par le fait que longtemps, elle ne fut pas considérée comme une «vraie couleur», et dont les tonalités étaient difficilement reproductibles par la main de l’homme. L’historien Michel Pastoureau, spécialiste de la symbolique des couleurs, a pu observer que «longtemps en Occident le rose ne fut considéré que comme une nuance de rouge; une nuance claire, peu saturée et guère appréciée. Il est vrai que ni en teinture ni en peinture, on ne savait fabriquer de beaux tons de rose, francs et lumineux, à l’image de ceux que produisait la nature» (Pastoureau, 2007: 140). Une couleur à qui l’on reproche son aspect évanescent et sur laquelle on ne peut se fier voici une indication supplémentaire éclairant l’origine de cette répulsion, ainsi comme nous l’apprend Annie Mollard-Desfour (Mollard-Desfour, 2002: 19): «le rose n’est pas une couleur qui dure c’est une couleur fragile et éphémère, comme celle des fleurs, une couleur trompeuse qui passe vite. Une couleur indécise, incertaine, diffuse, insidieuse dans ses variations, une couleur qui se dérobe et s’altère […]». L’apparition et le développement des couleurs de synthèse au cours du XXe siècle ont largement favorisé la diffusion et l’utilisation du rose, et selon Michel Pastoureau cette situation aurait vraisemblablement conduit à une répugnance partagée envers cette couleur. «C’est peut-être pour cette raison que tous les roses fabriqués par l’homme semblent aujourd'hui compter parmi les couleurs les plus artificielles, très éloignées des roses de la nature. D’où une fréquente aversion pour le rose, couleur vulgaire, chimique, désagréable à l’oeil» (Pastoureau: 2007: 140). Par ailleurs, le rose est aussi la couleur fréquemment associé au féminin, et en cela conforme au tempérament que l’on prête généralement aux femmes: douceur, délicatesse, fragilité, voire mièvrerie, sentimentalisme, etc. Quant à la bicatégorisation rose pour les filles et bleu pour les garçons, elle semble intervenir au courant du XIXe siècle. Cette sexualisation des couleurs s’opère dans un système genré différentialiste.

Puis par association stigmatisante et dépréciative, on a fait du rose la couleur des homosexuels masculins. Ceci dit, elle n’intervient que tardivement, «elle est inconnue avant la 1e Guerre Mondiale et semble avoir été interprétée comme une déclinaison du rouge, couleur de la femme et de la féminité (par opposition au bleu, couleur de l’homme)» (Pastoureau, 2007: 140). Cette association rose/homosexuel apparaît clairement dans un contexte d’homophobie systémique, et c’est dans le système concentrationnaire nazi qu’elle a connu ces heures les plus sombres. Annie Mollard-Desfour date aux années 1930 l’emploi du rose stigmatisant: «Dans les années 1930, le rose est ainsi devenu le rose fascinant de l’homophobie et de l’oppression: couleur de la féminité, il a été imposé par les nazis, aux détenus homosexuels des camps, des étoiles et triangles roses comme signe de reconnaissance, pour les différencier des autres détenus […]» (Mollard- Desfour, 2002: 32-33). Au début des années 1970, avec l’émergence des mouvements de lutte pour les droits des homosexuels, on a pu assisté à une réappropriation du triangle rose. De nombreux militants arboraient fièrement ce symbole dans une volonté de commémoration, de souvenir et de protestation contre les discriminations subies passées et actuelles (Jensen, 2002; voir aussi Schlagdenhauffen, 2011). Selon Eric N. Jensen, la prise de conscience de la persécution des homosexuel.le.s pendant l’Allemagne du IIIe Reich et de leur déportation concentrationnaire, coïnciderait avec la parution de l’ouvrage de Heinz Heger, un survivant des camps de concentration nazis. Effectivement, en 1972, Joseph Kohout sous le pseudonyme de Heinz Heger publia ses mémoires Die Männer mit dem rosa Winkel (Des hommes au triangle rose) (Heger, 1981/1972), un recueil qui favorisa largement cette prise de conscience et qui marqua profondément la communauté gay.

Au cours de la décennie suivante, l’utilisation du triangle rose pris une résonnance nouvelle avec l’apparition de l’épidémie du sida. Afin de répondre à cette situation tragique, le collectif new-yorkais SILENCE=DEATH, établissant une analogie entre les morts des camps de concentration et ceux de l’épidémie actuelle, se réappropria le symbole dont il inversa le sens, c'est-à-dire pointe vers le haut (alors que le triangle discriminant des camps de concentration nazis était pointe vers le bas). Issus des rangs d’Act Up (AIDS Coalition To Unleash Power), un groupe de militants New-Yorkais fraichement formé, le SILENCE=DEATH était un collectif d’artistes et d’activistes qui réalisa ce projet éponyme en 1987: au logo du triangle rose était ajouté l’équation silence=mort, en référence à l’immobilisme des pouvoirs publics face à la crise du sida6. Ce signe compte désormais parmi les principaux emblèmes de la lutte contre le sida.

Conjointement à cette réappropriation du stigmate du triangle rose, au cours des années 1980, les mouvements homosexuels en prise avec l’épidémie du sida feront du rose la couleur de l’affirmation identitaire, sans toutefois faire disparaître définitivement le caractère discriminatoire du rose. Effectivement, au premier temps de l’épidémie, n’a-t-on pas appelé le sida la «peste rose», alors que le virus touchait en grande partie les populations homosexuelles masculines? Néanmoins, cette dynamique de réappropriation du rose, couleur du stigmate, du préjugé (de l’homosexuel efféminé, puisque le rose demeure inévitablement la couleur du féminin) témoigne de ce désir de subvertir les codes normatifs associés au genre masculin. Tout comme la revendication du terme queer, l’usage du rose pose problème dans la mesure où il joue sur des stéréotypes dépréciatifs, mais auxquels les activistes donnent des significations nouvelles, multiples et complexes, à l’opposé d’une compréhension statique et figée de ces traits discriminatoires7.

 

La pomme de la discorde: la Jeanne d’Arc rose

Les interrogations face au choix de cette couleur rose pour le rhabillage de la statue Jeanne d’Arc doivent être comprises à l’aune de toutes ces considérations. Si bien que certain.e.s internautes auraient jugé plus judicieux de troqué le rose pour le rainbow flag (drapeau arc-en-ciel), symbole de diversité, de tolérance et d’espoir, et aux capacités intégratrices. Voici certains commentaires d’internautes laissés sur le site Têtu.com8, qui soulignent les interrogations face au choix du rose. «Si la couleur aurait été le rainbow flag encore mieux !!»; «pas en rose mais avec le Rainbow Flag et un texte du genre “A jeanne d’Arc, sainte patronne des lesbiennes”»; «Mais surtout, pourquoi le ROSE??? Pourquoi pas arc-en-ciel? C’est plus joli non?»9. Le rainbow flag est l’un des principaux emblèmes de la communauté LGBT. Il fut réalisé par l’artiste et activiste étatsunien Gilbert Backer en 1978 à l’occasion de la Gay Pride. Ce drapeau à huit bandes horizontales présentait initialement la couleur rose (qui symbolisait la libération sexuelle, chaque couleur représentant une valeur bien particulière); une couleur qui a disparu lorsque l’étendard a été réduit à six bandes. Le caractère profondément dépréciatif et stigmatisant associé à cette couleur semble être l’explication la plus probable de son éviction. Désormais, le rainbow flag semble être le symbole le plus significatif pour une grande majorité de la communauté LGBT, il l’est également pour les personnes extérieures à cette communauté. Incontournable dans les manifestations, marche des fiertés en tête, ce symbole est aussi un marqueur des lieux dans la ville: le drapeau apposé sur les vitrines signifie soit l’appartenance à la communauté, soit la position gay friendly de l’établissement (bars, commerces, etc.) (Blidon, 2006). Si bien que face truisme de l’utilisation du rainbow flag, la couleur rose semble poser encore quelques interrogations.

A l’opposé des réaction d’incompréhension de certain.e.s internautes, le choix de cette couleur pour le rhabillage de la statue Jeanne d’Arc suscite pour d’autres un véritable enthousiasme, et ces commentaires accréditent une interprétation queer de l’action: «Et le rose parce qu’on est queer, qu’on aime le rose, qu’on est des pédales radicales !». L’internaute établit ici une analogie directe entre le rose et le «queer», une association fonctionnant dans les deux sens: c’est parce qu’on aime le rose qu’on est queer et c’est parce qu’on est queer qu’on aime le rose. Notons au passage l’usage pour s’auto-nominer de l’insulte «pédales» et qui pourrait être une des traduction du terme «queer» en français. «Après la Jeanne d’Arc républicaine, la Jeanne d’Arc catho, la Pink Jeanne d’Ark est en route pour faire tomber la citadelle des conformismes hétéronormés… youpi !»10 Même de façon moins explicite dans ce commentaire, le choix du rose pour cette action est perçu comme un outil pour contrer l’«hétéronormativité », accréditant conséquemment la dimension queer de l’action.

Pour répondre aux allégations de l’Egide (une structure régionale regroupant des associations LBGT) qui voit dans cette action un coup de l’extrême droite, un autre commentaire donne une toute autre version de la signification du rose: «alors rose, c’est pink, c’est Lille socialiste mais surement pas lepéniste […]». Il s’agit d’une allusion au rose socialiste, celui utilisé par le parti socialiste français depuis la fin des années 196011. Il est vrai que Lille est traditionnellement ancrée à gauche et que la mairie de la ville est dirigée depuis la seconde moitié du XXe siècle par le parti socialiste (et par Martine Aubry depuis 2001), alors, de là a y voir une relation… Une méprise selon une autre internaute, qui n’y voit nullement le signe d’une quelconque adhésion au parti socialiste: «certainement pas socialiste plutôt anarcha féministe» et poursuit au sujet de la proposition d’intervertir le rose au profit du rainbow flag: «Ah oui et le rainbow flag non merci, vive l’appel au consumérisme GAY dans toute sa splendeur !!». De nouveau, l’emploi du rose valide la dimension «anarcha féministe» de l’action, autrement dit, proche d’une compréhension queer de ce rhabillage. De même, ce commentaire met en lumière l’opposition rose/rainbow flag, ce dernier interprété comme une adhésion au «consumérisme GAY», un emblème détourné de ces objectifs d’origine, notamment l’esprit unificateur, pour achever par se perdre définitivement dans des fins commerciales. Quant à la prétention du rainbow flag à représenter les diversités au sein du mouvement LGBT, il semblerait pour cette internaute qu’il ait échoué, souffrant d’une surreprésentation de la communauté gay masculine, si ce n’est de ne se résumer bien souvent qu’à elle seule. L’opposition rose/rainbow flag, loin d’être anodine, soulève des divergences entre deux manières de concevoir le militantisme avec d’un côté des formes plus «traditionnelles », relevant d’une volonté plus intégrationniste, en ayant recourt à un symbole qui fait signe immédiatement pour une grande majorité des militants LGBT. A l’opposé, le militantisme féministe-queer se démarque vivement d’une politique assimilationniste, travaillant plutôt autour de l’idée d’une politique de l’identité postidentitaire12. Cette réflexion autour du concept postmoderne d’identité des groupes minoritaires a été développée notamment par Judith Butler autour de la question de la construction d’un sujet politique pour le féminisme, le «Nous femmes», un sujet politique qu’elle conçoit nécessairement ouvert, à la fois unificateur et favorisant les coalitions (Butler, 2005/1990)13.

Le choix de la couleur rose n’a pas été la seule source d’interrogations entourant cette action, avoir pris pour cible la figure de Jeanne d’Arc a également occasionné de nombreux commentaires. Comme annoncé plus tard dans leur communiqué de presse, il s’agissait pour les auteurs du happening, le collectif Urban Porn, de proposer une lecture queer de Jeanne d’Arc, un symbole associé à l’histoire de la nation française, permettant d’entériner les racines chrétiennes de celle-ci. Le collectif précise que l’objectif était d’interroger la pertinence du débat sur l’identité nationale voulu par Nicolas Sarkozy et de dénoncer les modes de représentations du discours dominant concernant les conceptions de l’identité. Cette intervention dans l’espace public a permis de détourner cette figure, fortement investie de valeurs, des instrumentalisations nationalistes et intégristes religieuses, et de laisser ouvert les interprétations sur son identité. Certain.e.s n’ont d’ailleurs pas manqué d’observer ambiguïté sexuelle du personnage de Jeanne d’Arc, allant même jusqu’à y voir une icône LGBT avant l’heure…

Cette action Jeanne d’Arc pose la question de l’efficacité des techniques de lutte et il est indispensable de la replacer dans l’histoire du militantisme féministe et de l’activisme homosexuel dont les faits d’armes ont jalonné la seconde partie du XXe siècle. Ce happening doit se comprendre à la lumière des premières actions menées par le MLF (Mouvement de Libération des Femmes), des coups d’éclats du FHAR (Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire), des techniques de stratégies médiatiques mises en place par Act Up, etc. Un héritage manifeste ici, dans l’utilisation de l’espace public et d’un symbole afin de déjouer les représentations dominantes et pour construire ses propres images, ses propres représentations. Pour preuve de cette filiation, certain.e.s internautes ont établi un parallèle entre cette action Jeanne d’Arc et des actions connues de tous, notamment l’encapotage de l’obélisque, place de la Concorde à Paris, par Act Up Paris le 1er décembre 1993 lors de la journée mondiale de lutte contre le sida14. L’encapotage de l’obélisque demeure une action qui est restée dans les mémoires et qui symbolise le succès du militantisme homosexuel, même s’il s’agit d’un activisme spécifique à la lutte contre le sida. La comparaison est valorisante si l’on en croit la postérité de l’action d’Act Up Paris et elle donne toute sa légitimité au happening d’Urban Porn.

 

Pour conclure

Alors que pour certain.e.s internautes, la couleur rose génère des interrogations, elle est bien pour d’autres, la signature évidente d’une action féministequeer. Effectivement, avec une logique d’empowerment, et celle du retournement du stigmate, les mouvements féministes-queer ont fait du rose infamant leur couleur de prédilection. En Amérique du Nord, en Europe, nombreux sont collectifs et les militant.e.s à s’être réappropriés cette couleur si fortement connotée et souffrant d’une image relativement négative. Et ce n’est pas un hasard si pendant des manifestations ou rassemblements anticapitalistes internationaux, on a vu apparaître les Pink Blocs, basés sur le modèle des Blacks Blocs (Bisticas-Cocoves). Elaborés sur le principe de démocratie directe et sur la possibilité pour chacun.e de participer, les Pink Blocs se différencient des Black Blocs dans les techniques de lutte, utilisant plutôt les codes des performances de rue et des happening, jouant sur le côté ludique et proposant des formes carnavalesques et de dérision. Ces formes de militantisme sont proches de celles développées par des collectifs comme Reclaim the Streets, cependant les Pink Blocs ont pour objectif principal la déconstruction des normes de genres, ou pour le dire plus crûment le «genderfuck ». La récente actualité en France nous en donne une illustration parfaite; au cours de chacune des manifestations du 16 décembre 2012 et du 27 janvier 2013 pour la défense de la loi dite du «mariage pour tous», un Pink Bloc s’est formé.

Comme précisé dans l’appel à la manifestation, l’intérêt du Pink Bloc est la mise en place d’un espace provisoire, une zone autonome temporaire pour reprendre le concept développé par Hakim Bey (1998/1991), où des individu.e.s vont former «un collectif informel et autonome de queers et de freaks en touS genreS, radicaLEs et féministes organiséEs […] lors d'actions militantes et de manifestations»15. Le Pink Bloc a pour principe fondamental l’articulation du queer et du féminisme. Bien sûr, est-il besoin de le préciser, la participation aux manifestations s’est faite non pas à travers les revendications à l’accession à une institution – le mariage – perçue comme une réaffirmation et un renforcement des inégalités envers celles et ceux ne se soumettant pas au modèle hégémonique hétéronormatif. La participation au Pink Bloc était plutôt une manière de répondre aux attaques homophobes exprimées sans retenue par les opposants à cette loi, autant qu’une manière d’affirmer leurs différences via une stratégie de visibilisation. D’ailleurs, il s’agissait bien de se différencier du reste du cortège, à la fois visuellement, dans la forme même du Pink Bloc, délimité par un périmètre de banderoles et par l’adoption du code couleur rose par une grande majorité des participant.e.s, mais se démarquer également politiquement avec des slogans et des mots d’ordre, «nous sommes la mauvaise image de l’homosexualité» par exemple, détonnant quelque peu de ceux du reste du cortège.

 

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Artigo recebido em 22 de outubro de 2012 e aceite para publicação em 15 de fevereiro de 2013.

 

Notes:

*Est doctorante en études culturelles à l’université Paris 1 Panthéon- Sorbonne (Institut ACTE: Art, Créations, Théories, Esthétiques. UMR 8218). Ses recherches portent sur les pratiques culturelles et artistiques féministes-queer dans le contexte français. E-mail: marie.emilie.lorenzi@gmail.com

1L’utilisation de l’acronyme LGBT pose évidemment de nombreux problèmes. Si au départ l’emploi de ce terme naît de la volonté d’une politique de coalition, il semble qu’il y échoue malheureusement. Effectivement, les mouvements LGBT peinent à mettre en place une véritable mobilisation égalitaire efficace. Il est à craindre que le caractère politiquement correcte, et finalement dépolitisant de cette formule additive ne fasse du tord aux mobilisations politiques, puisqu’en mettant sur un même niveau des réalités hétérogènes, elle se rend aveugle aux différences (en particuliers économiques et raciales) et aux inégalités de celles et ceux qu’elle est censée représenter. De même, on peut se poser la question de la pertinence de mettre sur un même plan la question des orientations sexuelles (LGB) avec celle des identités de genres (T).

2Issu du communiqué de presse disponible sur le site du collectif Urban Porn http://erelevilstyle.free.fr/wordpress/?m=201003 (consulté le 10/04/2012).

3Ibid.

4Ibid.

5«Les qualités que l’on associe à la couleur rose sont assez diverses. Celles qu’on lui accorde vont de la sensibilité, la tendresse, la jeunesse, à l’artificiel, au factice, en passant par l’excentrique, le mignon, la vulnérabilité, et ce qui est plaisant et agréable. On retrouve l’utilisation de cette couleur aussi bien dans la “haute culture” et dans la culture “populaire” […]. Le rose peut être perçu comme une couleur déplaisante, parfois même embarrassante, ou au contraire attrayante et amusante.» (p. 26). Traduction personnelle.

6«Silence=death proclame que le silence sur l’oppression et l’extermination, qu’elles soient passées ou actuelles, des gays et des lesbiennes doit être brisé, c’est une question de survie.» (Crimp et Rolston, 1990: 14). Traduction personnelle.

7Ce processus a été développé par Erwing Goffman (1975/1963) dans son analyse du stigmate.

8Le site Têtu.com est le pendant numérique de la revue papier Têtu, un magazine a destination de la communauté gay et lesbienne (dans une moindre mesure…).

9Sauf mention, tous les commentaires font suite à l’article «Qui a drapé de rose la statue Jeanne d’Arc de Lille» publié le 27/02/2010 sur le site Têtu.com à l’adresse suivante: http://www.tetu. com/actualites/france/qui-a-drape-de-rose-la-jeanne-darc-de-lille-16626/ (consulté le 14/05/2012).

10Ce commentaire est une réponse à l’article paru sur site Yagg.com «Lille: la statue Jeanne d’Arc habillée de rose» du 26/02/2010 et disponible sur: http://www.yagg.com/2010/02 /26/lillela- statue-de-jeanne-darc-habillee-de-rose-la-voix-du-nord-les-flamands-roses/ (consulté le 15/05/2012).

11Le cas du rose socialiste est intéressant, il semblerait qu’il y ait eu un glissement sémantique entre le symbole de la fleur rose adopté par le parti socialiste à la couleur rose, bien que la fleur soit rouge à l’origine. Voir Agulhon, 1990: 391-398.

12«Les “politiques de l’identité” visent à réhabiliter “l’identité” de groupes sociaux jusque-là discriminés en raison de la perception négative dont ils font l’objet. Les “politiques de l’identité” ont deux caractéristiques importantes. La première est qu’elles concernent des minorités qui s’assument comme telles, c'est-à-dire qui n’ont pas vocation à se transformer en majorité. […] Elle vise à mettre un terme à la stigmatisation des personnes concernées. La seconde caractéristique de “l’identité” ainsi conçue est qu’elle n’est pas une instance (uniquement) économique. Elle comporte une dimension culturelle décisive.» (Keucheyan, 2010: 29-30). Voir également (Bourcier, 2006).

13Cependant, Elsa Dorlin précise à ce sujet que cette conception du sujet politique n’est pas nouvelle, elle se retrouve dans l’idée marxiste de praxis révolutionnaire: la construction du sujet n’est pas antérieur à la lutte mais elle se réalise simultanément et collectivement dans la lutte (Dorlin, 2009).

14C’est avec l’aide financière et logistique de Benetton, la marque de vêtement italienne, à la sulfureuse réputation, du moins en ce qui concerne les stratégies de communication et publicitaires, qu’Act Up Paris a orchestré cette action coup de poing, dont elle seule a le secret, dans le but d’alerter sur la situation de la propagation du virus du sida. Ce fut un formidable coup de pub, aux retombées médiatiques inespérées, puisque l’image de l’obélisque encapotée de rose a fait le tour du monde et est restée dans les mémoires militantes. Pour le détail du déroulement de cette action, voir le récit qu’en fait Emmanuelle Cosse, disponible sur internet: http://www.civismemoria.fr/contribution/?module=contrib&contrib=862 (consulté le 20/05/2012).

15Ces informations sont disponibles sur le groupe du réseau social facebook créé pour l’occasion: https://www.facebook.com/pink.bloc.paris/info

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